12 février 2017

Le comice du houblon: on veut du houblon français ! … et on est pas les seuls !

Un vendredi de fin janvier, nous avons poussé jusqu'à Paris, pas seulement pour déguster les bières des brasseries locales (bien qu'on ne soit pas passé à côté, qu'on se le dise !), mais pour discuter du futur de la filière du houblon français. Merci à l'association Houblons de France, qui permet à nos rêves de se réaliser sans même qu'on ait besoin de les formuler !

Parce que la situation actuelle est sacrément problématique : la majorité des brasseurs utilisent du houblon américain.

Voici quelques chiffres présentés durant le comice :

  • 62% des brasseurs français privilégient des houblons aromatiques
  • 30% des brasseurs français privilégient le houblon français
  • 100% des brasseurs voudraient préférer le houblon français

Pour les bières du Vieux Singe nous aimerions nous approvisionner en houblons aromatiques biologiques produits en France ou a minima en Europe, mais c'est une chose plus facile à dire qu'à faire : les variétés de houblon que l'on trouve actuellement par chez nous manquent de richesse gustative et de diversité.

Alors vous vous doutez bien que la démarche de rassembler les acteurs locaux du houblon nous a parlé ! Et ça valait bien un aller-retour à Paris :)

D'une manière générale, nous avons eu la chance de voir des interventions de qualité, voire passionnantes (merci beaucoup à Pierre Brabant pour son intervention sur le Dry Hoping qui nous a scotché !)

On a pu rencontrer le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (le SNBI), quelques brasseurs en cours d'installation et quelques brasseurs déjà bien installés, contents de pouvoir partager leurs expériences vécues.

Voici un rapide compte-rendu des conférences auxquelles on a pu assister. Vous pouvez aussi retrouver les enregistrements au format audio, les captations vidéo, ou directement nos notes.

SNBI : Le syndicat National des Brasseurs Indépendants

La production de bière en France n'est pas vraiment une chose nouvelle, mais son explosion ces dernières années a quelques avantages, et le SNBI fait partie de ces initiatives qui font plaisir à voir.

D'une manière générale, l'idée vise à défendre les intérêts des brasseries indépendantes. Il existe bien un syndicat Brasseurs de France, mais qui semble plus habitué à défendre les intérêts des brasseries appartenant à des gros groupes.

Sont considérés comme Indépendants les brasseurs avec une production de moins de 200 000 hl/an (hectolitres par année), ce qui commence déjà à faire pas mal. À titre de comparaison, on compte entre 200hl et 400hl par an pour faire vivre une personne, en mode artisanal (selon à qui on demande).

Pour nous plaire, le mode de fonctionnement du syndicat est démocratique : une brasserie représente une voix, ce qui permet d'avoir un poids similaire peu importe son poids économique. La cotisation annuelle est de 120€ + 0.1€ /hl.

Parmi les missions qui nous plaisent bien, on retrouve :

  • l'idée de favoriser les circuits courts,
  • la représentation du métier au niveau politique national et européen,
  • le fait de créer du lien entre les brasseries,
  • l'idée de créer un label de bières artisanales,
  • pouvoir libérer la créativité des brasseurs. On y a appris qu'il était actuellement interdit en France de brasser des bières au lactose (hop, exit les milk stout ! Héresie !)

Et (le meilleur pour la fin)… sortir du fameux "blanche, blonde, ambrée" qu'on nous sert à n'en plus pouvoir.

Brasseurs des Villes, brasseurs des champs

Trois brasseurs actuellement sous mention Nature et Progrès sont venus nous faire des retours : Jérôme de la Montreuilloise installé en région parisienne, Christian de la brasserie Garland installé depuis 1994 dans le Tarn et Stéphane de la brasserie des Vignes.

L'idée était de discuter du rapport à la terre qui semble se faire de plus en plus lointain dans les nouvelles brasseries. Parmi les problématiques abordées, on a retrouvé celle de la culture du houblon par les paysans brasseurs, culture déjà pratiquée par la brasserie Garland, pionnière en la matière.

Les retours sont assez effrayants : le coût de revient est très élevé, on est entre 100 et 150€ le kg, notamment à cause des récoltes qui doivent se faire manuellement, ce qui coûte très cher en main d'œuvre. Une des idées évoquées pour parer à ces coûts serait d'avoir un outil mobile d'effeuillage du houblon, qui pourrait servir régionnalement.

D'autres, comme la brasserie La Montreuilloise, font le choix de se limiter aux houblons produits en Europe, ce qui complique la tâche pour certains types de bières et pousse à la créativité (usage d'épices, autres choix de style etc).

En tout cas on se sent en phase avec la problématique : ces échanges font écho à des questions déjà bien présentes dans nos têtes par rapport à la localité de certaines variétés de houblon et leur culture en bio.

Discussions sur l'utilisation du houblon

En début d'après midi, cette table ronde au titre un peu fade ne promettait pas grand chose de novateur. L'occasion d'une bonne grosse claque : des discussions très techniques sur le rôle du houblon dans la construction de l'amertume, et sur l'impact des levures et de la température sur l'extraction des goûts du houblon.

On savait déjà que l'ajout du houblon dans un fermenteur lors du dry hoping permet une extraction directe des composés aromatiques. On a appris que ça s'appellait l'aromatique libre, en opposition à l'aromatique liée.

Certains autres composés sont extraits, qui, tels quels dans le houblon n'ont ni goût ni odeur direct. C'est l'action des levures sur ces composés précurseurs (via des enzymes) qui crée des molécules aromatiques nouvelles, dites liées.

Ça nous a donné quelques idées d'expériences à réaliser sur les températures à utiliser lors du dry hoping : à froid, on fait uniquement une solubilisation des molécules aromatiques libres (bien avec des houblons avec beaucoup d'aromatique libre) alors qu'avec des températures de fermentation plus élevées on va pouvoir jouer sur cette aromatique liée (certaines variétés telles que le cascade ont un gros potentiel d'aromatique lié, affaire à suivre !).

Bien d'autres points intéressants ont été abordés, parmi lesquels le rôle du taux de cohumulone dans les choix de variétés, l'impact amérisant des acides alpha non isomérisés, mais on ne peut pas vous parler de tout sans vous faire fuir ;)

(Acceder à la captation vidéo).

Table ronde sur les certifications liées au houblon

Autre grosse surprise : l'obligation pour les producteurs de faire certifier leur houblon. Il ne s'agit pas de certification biologique ou d'autres certifications privées facultatives, mais bien d'une réglementation obligatoire européenne.

Malheureusement, les processus de contrôle qualité sont adaptés aux grosses coopératives déjà en place mais ne prennent pas encore en compte les problématiques des petits houblonniers. Des discussions sont en cours avec France Agrimer (organisme sous tutelle du ministère de l'agriculture) pour faire évoluer la situation. En attendant, les risques encourus, bien que faibles, sont portés par les producteurs.

Une piste semble intéressante pour favoriser l'avènement de petits houblonniers : faire appel aux techniciens des chambres d'agriculture comme intermediaires pour le prélèvement et le contrôle qualité.

(Acceder à la captation vidéo).

Conclusion

Comme vous le voyez, tout un tas de discussions et d'ateliers très intéressants. En parallèle, on a pu faire la rencontre en chair et en os avec l'offre de bières en Ile-de-France, qui continue de s'étoffer.

C'était l'occasion de papoter avec tout un tas de collègues enthousiastes et passionnés comme nous, plutôt que de saouler nos potes avec nos histoires de taux de cohumulone (mais si, c'est génial !).

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