10 octobre 2016

Une semaine à Montpellier Quelques retours après une semaine passée a la brasserie "Le détour"

Je sors d'une semaine fort sympathique à Montpellier avec Delphine, Mathieu et Thomas de la brasserie "Le Détour". J'avais choisi de les contacter après la découverte de leur projet qui ressemble pas mal au notre en terme de démarche (ouverture, importance de l'éthique, bonne humeur) et de dimensionnement. Et (spoiler) je n'ai pas été déçu !

Vue de la porte d'entrée

La brasserie est installée au marché-gare de Montpellier (un espèce de MIN), lieu assez industriel de prime abord, mais qui à l'avantage d'être assez proche de la ville, ce qui facilite pas mal l'accès et à priori le commerce (quelques restaurants et épiceries passent déjà par le marché-gare pour se fournir). Le marché-gare permet également d'avoir accès à du stockage réfrigéré, ce qui est bien pratique quand on fabrique de la bière, vous en conviendrez.

Je suis arrivé au Détour avec une envie d'apprendre et de voir ce que peut être une jeune brasserie "qui tourne", pour avoir des retours sur le montage d'un projet, mais aussi pour papoter de choses périphériques.

Une démarche qualité

Coup de bol, Thomas est un passionné de technique brassicole, ce qui à permis des échanges assez instructifs.

Ça fait énormément plaisir de retrouver des gens qui sont dans une démarche de qualité: on a réellement l'impression d'être dans un labo qui cherche à améliorer ses process au fur et à mesure des brassins.

A titre d'exemple, pour chaque préparation de brassin, les fiches techniques de chez Weyermann (un fournisseur de malts) sont utilisées pour estimer l'extraction théorique des sucres. La différence (entre théorie et pratique) est ensuite mesurée, et le delta moyen peut être réutilisé pour modifier le taux d'extraction théorique des prochains brassins.

Autre exemple intéressant, ils ont été jusqu'à peser le cône (!) à la fin du whirlpool afin de savoir quelle quantité d'eau était absorbée au passage, pour ensuite préparer leurs recettes afin de maximiser le remplissage des fermenteurs.

J'ai pu d'ailleurs trouver un autre point commun avec nos envies pour la brasserie du Vieux Singe: on est pas la pour trimer ! Les postes sont faits pour être ergonomiques, et toute chose améliorable ne semble pas rester en l'état bien longtemps.

Embouteilleuse Enol master

Coté financier

Comme il le dit bien lui même, les cordons de la bourse sont tenus par Mathieu, qui semble bien renseigné sur la question, à force de démarches et de réflexion. Pour un novice comme moi, c'était extrêmement utile d'avoir des retours de terrain et des conseils sur un tas de petits points à ne pas négliger, des droits de douane suspendus (pour payer à la vente et non pas à la fabrication) aux modules à installer sur Dolibarr pour se simplifier la vie pour la compta.

On a pu par exemple reprendre ensemble les coûts de la fabrication de la bière, pour se rendre compte qu'on avait de notre coté encore quelques progrès à faire sur notre aptitude à faire des budgets prévisionnels corrects !

Et puis, bien sur plein de petites choses que j'ai du mal à résumer ici.

Trucs et astuces divers

Vu qu'ils ne sont pas avares de conseils, ils m'ont fait part de quelques conseils, que je reformule ici.

Tanks à lait et fond filtrant

Les tanks à lait (utilisés comme cuve d'empâtage et d'ébullition) se déforment, ce qui rends l'utilisation d'un fond filtrant un peu technique. Après quelques essais, ils ont utilisé un fond filtrant un peu plus petit sur lequel des joints silicone ont été posés.

Fond filtrant avec joints siliconés

Resucrage et embouteillage

La bière, avant d'être embouteillée contiens déjà du CO2, plus ou moins dilué, et il faut le prendre en compte pour ne pas trop re-sucrer les bouteilles et éviter qu'elles gushent (franglissismes bonjour !). Assez simple au final, il suffit de poser un manomètre sur une bouteille puis la secouer, puis mesurer la pression déjà comprise dans la bouteille, et réduire d'autant le sucre à utiliser !

Test d'atténuation rapide

J'avais déjà entendu parler de cette technique, sans jamais la voir utilisée réellement: l'idée est de prélever une petite partie du moût dans un Erlenmeyer, de la charger en levure puis de le remuer (avec un agitateur magnétique) et de voir quelle densité on obtient au bout de quelques jours. Si la densité est trop basse, il est possible que cela vienne d'un souci de contamination (par exemple).

La densité mesurée est à-priori la densité finale du brassin: une fois obtenue on peut passer la bière en fermentation secondaire.

Durée d'empâtage

Lors de nos derniers brassins, nous avons souvent augmenté le temps d'empâtage, parfois pour attendre que notre eau de rinçage soit à la bonne température: il semblerait que ce soit une mauvaise idée puisque les enzymes (alpha et beta amylase) ne se comportent pas de la même manière lors d'un empâtage plus long.

Bibliographie

Thomas, en bon scientifique, m'à conseillé la lecture d'une trentaine de bouquins, allant de la biochimie pure à l'histoire de la bière, en passant par des livres de recettes et des dictionnaires brassicoles. Dans toutes ces références (que je ne reprends pas ici), j'en retiens une particulièrement parce que c'est une vraie mine d'or pour qui veut avoir une démarche scientifique lors du brassage: le braukaiser et notamment ses articles sur le PH, un de nos prochains chantiers.

Sa casser les dents

Puisque j'avais un peu de temps, et des gens qui cherchent à vendre leurs bières, je me suis retrouvé à faire du démarchage auprès des bars et divers commerces, question de se rendre compte de la dure réalité de la chose.

Le fait est que la plupart des bars de la ville sont sous contrat brasseur: les gros brasseurs industriels passent des contrats avec eux pour avoir l'exclusivité sur les bières servies en échange de tables, parasols et autres travaux, dur donc de réussir à vendre sa bière dans ces conditions.

Les caves sont quant à elles plus intéressées par la fait d'avoir de la bonne bière locale, pour celles qui n'ont pas été refroidies par des expériences passées avec des bières de qualité discutable.

Pas évident, mais instructif.

Paysage brassicole local

En périphérie de cette semaine, je suis également allé à la rencontre de la brasserie "La Barbaude" à Nimes, qui font d'excellentes choses également et sont installés depuis quelques années maintenant. Leurs nouveaux fermenteurs cylindro-coniques thermo-régulés donnent bien envie.

Les fermenteurs de "La barbaude"

J'ai également pu rencontrer les patrons-brasseurs de "La Barbote" (à ne pas confondre), un brew-pub nouvellement ouvert pas loin de la gare de Montpellier. Ça fait toujours plaisir de se rendre compte qu'il est possible d'avoir de la bière produite et consommée au même endroit, que ce soit du point de vue éthique (moins de transports), gustatif (les bières sont mieux conservées et moins altérées), financier (la marge financière pour la vente d'une bière est bien plus importante) et tout simplement logistique (pas de bouteilles, ils ne font que des fûts). Leur gamme est assez chouette et ma foi c'est aussi assez sympa à déguster.

Carbonation des futs chez "La Barbote"

Dernière trouvaille, celle de la cave à bière et bar "The Bear's house", rue de l'université (dans le centre) ou j'ai pu assister à une dégustation de quelques spécimens chouettes et rencontrer quelques têtes qui se bougent sur Montpellier pour que la bière trouve sa place au pays du vin (merci à vous).

Bref, c'était vraiment une semaine ennuyante ;) ! Merci à Thomas, Mathieu et Delphine de la brasserie "Le Détour" pour leur accueil, à bientôt !

Contactez-nous